L’histoire du Congo
est caractérisée par l’absence de volonté et l’incapacité des régimes
successifs de faire face au passé. Toutes les tentatives mises sur pied
par l’appareil étatique pour documenter les abus ont soit échoué soit
interrompu à mi-chemin:
- En 1897, le Roi Léopold II créa une « Commission pour la protection des
populations autochtones », chargée d’informer le Gouverneur-General sur
les allégations d’abus de l’époque ; aucun rapport ne fut publié;
- Entre 1904 et 1905, le Roi Léopold II établissait une commission qui
confirma les allégations contenues dans le rapport du consul
britannique, Roger Casement ; mais aucune disposition ne fut prise pour
mettre un terme aux souffrances de victimes;
- En 1908, lorsque le Royaume de Belgique héritait d’une colonie défigurée
par divers abus ; mais aucun effort ne fut déployé pour ne fut-ce
qu’établir le bilan du régime de Léopold II;
- En 1960, dans la foulée de l’indépendance, le gouvernement Lumumba ne
prit aucune initiative pour documenter les abus passés, moins encore en
tirer des leçons en termes de reconnaissance, établissement de
responsabilité individuelle, reforme des institutions et systèmes
abusifs, moins encore la mise sur pied des programmes pour commémorer
les victimes d’oppression;
- En 1991, la Conférence Nationale Souveraine (CNS) tenta d’examiner
l’histoire du Congo, mais les résultats de cette tentative ne furent
jamais rendus publics;
- En 2002, l’accord de partage du pouvoir (Accord global et inclusif)
prévoyait la création de la Commission Vérité et Réconciliation, comme
un des 5 institutions d’appui à la démocratie. Son travail ne fut pas
achevé.
- D’un point de vue général, aucun effort sérieux ne fut entrepris pour
décrire et confronter les abus du passé au Congo. Lorsqu’ils existent,
les archives ne sont accessibles ni maintenus ; les contenus des cours
d’histoire perpétuent une version non critique de la colonisation.
- En Belgique, le Roi Léopold II est toujours considéré comme un héro, et
est surnomme « le roi baptiseur ». En 2005, le Musée Royal d’Afrique
Centrale inaugurait une exposition dénommée « Mémoire du Congo :
L’époque coloniale ». Adam Hochschild caractérisait le catalogue de
cette exposition comme étant une pièce « pleine d’approximations et des
dénis ».
- Il a fallu attendre 2001, a la suite d’une commission parlementaire
d’enquête, pour que le Premier Ministre de Belgique reconnaisse la «
responsabilité morale » du Royaume dans l’assassinat de Patrice Lumumba.
En ne s’occupant pas des abus du passé, tous les régimes successifs
postcoloniaux perpétuent le système léopoldien d’exploitation des
ressources nationales, ancré sur la violence. Ce qui rend impossible
toute perspective toute de création d’une société fondée sur la primauté
des besoins ainsi que la dignité de citoyens, qui du reste ont longtemps
souffert. D’une manière ou une autre, un Etat doit faire face à son
passé avant de s’engager vers un futur fondé sur des valeurs justes et
démocratiques. Cette transition a peu de chance de succès si elle ne se
fonde pas sur la recherche de la vérité, l’élaboration des mesures de
responsabilité, des programmes de réparations pour abus du passé, la
reforme des institutions abusives ainsi qu’un travail sur la mémoire et
l’érection des mémoriaux.
Si le Congo ne fait pas face à son passé caractérisé des abus et
violations des droits de l’homme, il y a des risques d’instauration d’un
autre régime prédateur, calqué sur l’administration léopoldienne, la
colonisation belge et le régime de Mobutu.
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